Est-il besoin de présenter Retour vers le futur, le film que tout le monde a déjà vu, revu et re-revu ? Le héros de ce film sorti – et se déroulant – en 1985 se nomme Marty McFly. C’est un lycéen tout ce qu’il y a de classique : il a 17 ans, arrive en retard en cours, se fait traiter de « tocard » par son proviseur, a une jolie petite amie et, années 80 obligent, rêve d’exercer ses talents de guitariste dans un groupe de hard-rock digne de ce nom. Sa famille ? Une belle brochette de losers : le père, George, est totalement soumis à son chef de bureau – et ancien « camarade » de lycée – Biff Tannen, et la mère, Lorraine, est quant à elle vieux jeu et portée sur la bouteille. L’intérêt et l’originalité de Marty sont ailleurs : ils résident dans son énigmatique amitié avec Doc Brown, parfait prototype du savant fou, qui vient, pour une fois, de réaliser une invention qui fonctionne, et pas des moindres, s’il vous plaît : une machine à voyager dans le temps créée à partir d’une DeLorean (parce qu’il « faut voir grand dans la vie »). Tout juste après sa démonstration ayant pour cobaye son chien Einstein, Doc est assassiné par de méchants Lybiens, à qui il avait subtilisé du plutonium, nécessaire pour voyager dans le temps. Marty se voit alors contraint, pour fuir, d’utiliser la DeLorean, et se retrouve involontairement en 1955, trois décennies auparavant. Double malheur : le plutonium est introuvable à cette époque et sa future maman tombe amoureuse de lui…
Retour vers le futur est le type de film que l’on peut regarder inlassablement. Si l’on excepte l’accoutrement franchement ringard des protagonistes, le film n’a pas vieilli, et demeure, plus de 25 ans après sa parution, toujours aussi efficace et divertissant. La première moitié est assez lente mais jamais ennuyeuse. Elle permet de bien mettre en scène les personnages, d’expliquer le fonctionnement de la DeLorean et de montrer les premiers pas de Marty en 1955. La seconde partie est plus haletante : le suspense, qui va crescendo, est parfaitement maîtrisé, reposant sur deux intrigues principales (Marty doit en faire en sorte que sa mère, qui a jeté son dévolu sur lui, lui préfère George, et doit parallèlement revenir en 1985 malgré l’absence de plutonium) et une annexe : il doit parvenir à expliquer à Doc que celui-ci va se faire assassiner trente ans plus tard. Or le savant, par principe, ne veut rien savoir sur son avenir, craignant de fâcheuses répercussions sur celui-ci.
Marty, en tête à tête avec ce bon Strickland.
On ne s’ennuie donc pas à la (re)-vision du film, mais le rythme n’est pas le seul point fort de ce dernier, loin de là : on apprécie également sa simplicité, conséquence de son absence absolue de prétention. Il s’agit avant tout d’un divertissement, certes parfois un peu gueulard (avez-vous remarqué à quel point Doc ou Biff parlent fort ?), mais qui n’en demeure pas moins une réussite indéniable. Conséquence de cet anti-intellectualisme : les personnages sont de vrais stéréotypes. Osons le dire, cette absence de nuance constitue l’un des aspects jouissifs du film, qui s’amuse à en faire des tonnes. Biff, comme son descendant Griff et son aïeul Bufford (que l’on rencontrera avec plaisir dans les deux autres épisodes), est le prototype du mufle, du lourdaud et du goujat, voire du lâche (il est toujours accompagné de ses sbires quand il cherche noise à quelqu’un). Le méchant sympathique par excellence. Doc symbolise quant à lui le savant fou, tant par l’attitude que l’apparence. Et que dire de Strickland, l’immuable (il est physiquement et mentalement presque exactement le même en 55 et 85) proviseur qui prend un malin plaisir à humilier et enfoncer ses têtes de Turcs (McFly père et fils). On l’a compris, l’humour constitue l’une des grandes forces de ce film. On pourrait citer les nombreux anachronismes qui y figurent, mais aussi la figure décalée de Doc (on pense entre autres à l’événement qui est à l’origine de l’invention du convecteur temporel, mais je n’en dirai pas plus) et bien sûr le comique de répétition : certaines répliques et scènes du film se répèteront dans les épisodes suivants (« Hé, McFly, j’t’avais dit de plus mettre les pieds ici », les scènes du fumier et du gilet pare-balles…).
Il n'en a pas l'air mais Doc Brown est un savant fou.
Alors bien sûr, comme dans toutes les histoires de voyages dans le temps, il faut accepter les inévitables failles du scénario. La plus importante repose sur le fait que George et Lorraine devraient se souvenir, dans le « nouveau 1985 », qu’ils ont vu leur fiston trente ans auparavant (et tiens, d’ailleurs, il s’appelait aussi Marty). Autre apparente contradiction : Doc ne cesse d’affirmer qu’en savoir trop sur son avenir peut mettre sa vie. Si l’on comprend qu’il puisse s’asseoir sur ses principes pour une question de survie, comme c’est le cas avec la lettre de Marty, il est moins facilement concevable qu’il projette « gratuitement » d’aller dans le futur (« J’ai toujours rêvé de connaître le futur, de voir comment le monde change, voir les progrès de l’humanité ») ? Cela ne correspond pas à sa philosophie, mais peut-être la tentation est-elle trop forte pour notre savant…
Le bilan de ce premier épisode ? Si le scénario manque un peu d’originalité (le héros qui fait un bond dans le passé, qui sépare puis réunit ses parents pour pouvoir continuer à « exister », c’est le schéma classique du genre), Retour vers le futur n’en demeure pas moins un cocktail savamment dosé de suspense, d’humour et de bonne humeur. Une réussite, même si l’épisode 2 est encore plus abouti…